III.
maman me l’avait dit : « fais attention aux inconnus les gens n’ont pas toujours de bonnes intentions » je l’ai écoutée et ma lumière s’est éteinte c’est drôle je crois j’ai rencontré un poisson tu le sais je ne m’étais jamais approchée des eaux auparavant un jour est venu et je me suis jetée à l’eau car je te voyais disparaître au loin et j’ai eu peur je suis tombée à l’eau je ne sais plus trop comment laissant mon corps j’ai flotté là longtemps je sentais pourtant l’eau s’introduire dans mes narines et me noyer peu à peu je n’essayais pas de me débattre j’ai quelques fois songé à tenter de rejoindre le bord je sentais les algues frôler mes pieds patientant dans l’attente du moment où elles pourraient m’engloutir sachant pertinemment que ce jour viendrait tu sais avant je ne m’étais jamais jetée dans l’eau papa disait de ne pas confier son corps ses mains ses mots aux inconnus et encore moins à « ceux connus » je pensais te connaître et pourtant tu restais un inconnu personne ne m’avait parlé de ce genre de situation mon corps démuni s’est laissé porter il t’a suivi si naturellement je n’ai pas essayé de résister parfois tu apparaissais comme pour vérifier que je n’avais pas quitté les eaux bientôt je me suis surprise à ne vivre que pour ces moments-là avec tes grands yeux tu me fixais et je sentais les eaux me porter encore plus près de toi m’éloignant de toutes mes certitudes tu sais je me pose encore cette question : « Comment ne pas te suivre ? » j’ai appris à flotter avec le temps suffisamment pour ne pas me noyer je l’ai appris seule je sais nager ça s‘apprend à deux mais je suis une bonne fille je respecte mon éducation alors je me suis habituée à me méfier des inconnus et encore plus de « ceux connus » nager seul c’est impossible mais flotter c’est moins compliqué puis un soir n’y tenant plus la chaleur de l’été apparaissait et le soleil était beau je ne sais pas si tu l’avais remarqué et même si ça avait été le cas je sais tu ne t‘en souviens plus je ne sais pas pourquoi je t’en parle j’ai regardé le ciel ce soir-là car je ne comprenais pas il cherchait à me prévenir mais je ne comprenais pas je me suis dit que l’explication viendrait avec le temps elle n’est jamais apparue peut-être avait-il voulu me prévenir : « ne t’approche pas des inconnus et encore moins de «ceux connu » alors te méfiant de tout tu ne verras pas que tu es tombée dans une zone intermédiaire où seuls certains s’attardent ça te changera et tu aimeras ça quelque chose d’inconnu qui te semblera familier comme un rêve d’enfance un regard qui te rappellera un inconnu connu d’une autre vie que tu aurais oublié et de celui-là tu ne te méfieras pas car tes armures s’envoleront d’avoir trop supporté si elles n’avaient jamais servi peut-être seraient-elles encore suffisamment fortes pour rester comme elles le font pour les autres » maintenant revenons au soir où le soleil était beau tu es apparu car je t’ai appelé j’ai alors arraché mon coeur l’eau autour s’est teintée de rouge ou de rose je ne sais plus jen’ ai plus la tête à me souvenir de ce qui est important déposé entre toi et moi, mon coeur flottait tu es parti et mon coeur est resté là il te regardait t’éloigner espérant peut-être que tu viennes le chercher tu n’es jamais revenu depuis tu sais mon coeur s’est vidé de tout son rouge ou rose je ne connais toujours pas la couleur que porte les délicates violences à présent mon coeur coule je le regarde disparaître dans les profondeurs et mon corps vidé est tout ce qui me reste il flotte toujours même les algues ne veulent plus de lui à présent c’est moi qui t’abandonne te laissant dans tes eaux froides